Le 22 mai 2024, la CNIL – le régulateur français des données personnelles – a adressé une mise en demeure à Meta (maison mère de Facebook et Instagram). L’entreprise est sommée de ne pas entraîner ses intelligences artificielles avec les données personnelles de ses utilisateurs sans base légale, c’est-à-dire sans fondement juridique valide au regard du RGPD. En termes simples, Meta projetait d’utiliser les publications, photos et autres contenus de ses utilisateurs européens pour entraîner ses modèles d’IA générative. Or, la CNIL et ses homologues européens estiment qu’un tel traitement des données doit respecter des obligations strictes en matière de protection de la vie privée. Cette action s’inscrit dans un contexte de vigilance accrue des autorités face aux pratiques des géants du numérique, alors même que l’intelligence artificielle bouleverse les usages. Revenons en détail sur les enjeux juridiques et technologiques soulevés par cette affaire, son contexte plus large impliquant les GAFAM, et les leçons à retenir pour les entreprises – en particulier les PME – en matière de gouvernance des données et de conformité au RGPD.
Meta face à la CNIL : l’utilisation des données utilisateurs dans le viseur
Au printemps 2024, Meta a annoncé son intention d’utiliser les contenus publics de ses utilisateurs européens de Facebook et d’Instagram (textes, images, vidéos, etc.) afin d’entraîner ses systèmes d’IA – notamment son agent conversationnel et ses modèles de langage. Concrètement, les publications et interactions des internautes sur ces réseaux sociaux devaient servir de matière première pour améliorer les algorithmes d’IA générative de Meta. Cette annonce a immédiatement soulevé des préoccupations chez les défenseurs de la vie privée et les régulateurs. En effet, de telles données sont des données personnelles protégées par le Règlement général sur la protection des données (RGPD), et leur réutilisation à des fins d’entraînement d’IA doit respecter le cadre légal.
La CNIL française est rapidement montée au créneau. Le 22 mai 2024, elle a publiquement mis en demeure Meta Platforms Ireland (entité européenne de Meta) de suspendre ce projet tant qu’aucune base légale conforme au RGPD n’était assurée. Cette mise en garde faisait écho aux échanges entre Meta et l’autorité irlandaise de protection des données (DPC, régulateur chef de file pour Meta dans l’UE) sur la légalité et la transparence d’un tel traitement. Sous la pression conjointe des régulateurs européens, Meta a effectivement suspendu son projet en juin 2024. Autrement dit, le géant des réseaux sociaux a dû renoncer temporairement à puiser dans les données de ses utilisateurs pour entraîner son IA, le temps de se mettre en conformité.
Cette intervention de la CNIL – et des autres autorités via le Comité européen de protection des données – constitue un rappel à l’ordre clair : même pour un acteur de la taille de Meta, exploiter les données des utilisateurs à des fins d’IA sans respecter le RGPD est inacceptable. La présidente de la CNIL, ainsi que ses homologues, ont souligné que toute nouvelle utilisation de données personnelles doit avoir une justification juridique solide et être assortie d’une information adéquate du public. Dans le cas contraire, des sanctions pourraient suivre. Ce bras de fer réglementaire illustre la volonté des autorités de maîtriser l’usage des données à l’ère de l’IA, et préfigure des contrôles accrus à l’encontre des pratiques des grandes plateformes.
Enjeux juridiques : RGPD, base légale et consentement
L’affaire Meta soulève d’importantes questions juridiques. Le RGPD impose que tout traitement de données personnelles repose sur l’une des bases légales prévues (consentement de la personne, contrat, obligation légale, intérêt vital, mission d’intérêt public, ou intérêt légitime du responsable de traitement). Ici, pour entraîner ses IA avec le contenu des utilisateurs, quelle base légale Meta pouvait-elle invoquer ? D’après les informations disponibles, la société a fait le choix de s’appuyer sur l’intérêt légitime – plutôt que de solliciter le consentement explicite de chaque utilisateur En pratique, cela signifie que Meta considère son intérêt commercial à améliorer ses modèles d’IA comme pouvant justifier le traitement des données, à condition que les utilisateurs aient la possibilité de s’y opposer (mécanisme d’opt-out). C’est cette approche qu’a contestée la CNIL, estimant qu’un tel intérêt légitime était discutable et qu’une demande de consentement préalable des utilisateurs serait plus appropriée dans ce contexte sensible.
Plusieurs principes du RGPD entrent en jeu. D’abord, le principe de transparence : les utilisateurs doivent être clairement informés que leurs données (posts, photos, commentaires…) pourraient être réutilisées pour entraîner des IA, ce qui ne figurait pas nécessairement dans les usages initiaux du service. Meta a effectivement annoncé qu’une nouvelle politique de confidentialité serait mise en place et que des notifications seraient envoyées aux utilisateurs pour les informer et leur expliquer comment exercer leur droit d’opposition. Car si l’intérêt légitime est utilisé, chaque personne a le droit de refuser que ses données soient traitées à ces fins. L’enjeu est que ce droit d’opposition soit effectif et simple à exercer, sans parcours du combattant. La CNIL et ses homologues ont insisté sur le caractère effectif de cette opposition : par exemple, Meta a dû proposer des formulaires dédiés permettant à tout utilisateur – même sans compte – de s’opposer à l’utilisation de ses données dans l’entraînement de l’IA.
Ensuite, le principe de limitation des finalités et de minimisation des données est crucial. Les données personnelles collectées à l’origine pour permettre un service (ici le réseautage social) ne peuvent pas être réutilisées pour une finalité nouvelle incompatible avec l’objectif initial sans une nouvelle base légale. Or, entraîner une IA générative est une finalité très différente de celle de partager des contenus sur un réseau social. Les autorités européennes s’interrogent donc sur la compatibilité entre la finalité initiale de Facebook/Instagram (le partage social) et cette nouvelle finalité d’entraînement d’IA. Si elles jugent ces finalités incompatibles, alors le consentement explicite des utilisateurs serait sans doute requis. Du point de vue des autorités, prendre les données des internautes “par défaut” pour entraîner un modèle n’est ni légal ni nécessaire, pour reprendre les mots du militant Max Schrems. Comme l’explique ce dernier, le cœur du débat est « de savoir s’il faut demander le consentement des gens ou simplement prendre leurs données sans leur consentement ». Le RGPD, conçu pour redonner aux individus le contrôle sur leurs données, tend à pencher du côté du consentement éclairé dans une situation de cette nature.
Enfin, le choix de la base légale a des conséquences pratiques. S’il fallait recueillir le consentement de millions d’utilisateurs européens, la plupart ne le donneraient sans doute pas, rendant l’entraînement de l’IA sur ces bases bien plus limité – c’est précisément ce que Meta a voulu éviter. À l’inverse, en optant pour l’intérêt légitime et un système d’opposition, l’entreprise sait que peu d’utilisateurs exerceront activement leur droit d’opposition. Ce calcul stratégique est au cœur des tensions avec les régulateurs. Est-il acceptable, d’un point de vue juridique et éthique, d’« imposer par défaut » un traitement aussi massif, quitte à ne laisser que la voie de l’opt-out ? Les autorités françaises et européennes semblent sceptiques, d’autant que la jurisprudence tend à exiger un haut niveau de protection pour ce type de données. On se souvient par exemple que la CNIL a infligé 20 millions d’euros d’amende à la société Clearview AI pour avoir aspiré des photos en ligne sans consentement et sans base légale valable – rejetant l’argument d’intérêt légitime au vu du caractère intrusif de la collecte. Le message est clair : sans base légale robuste, pas d’exploitation des données personnelles à grande échelle, même au nom de l’IA.
Enjeux technologiques : IA générative et exploitation des données
Au-delà du volet purement juridique, l’affaire Meta pose des questions technologiques importantes. Les IA génératives (chatbots, modèles de langage type LLM, systèmes d’image IA, etc.) sont friandes de données en grande quantité pour s’entraîner. Plus une IA dispose de données variées (textes, images, interactions humaines), plus elle pourra apprendre à produire des résultats pertinents. Dans le cas de Meta, les données des utilisateurs de Facebook/Instagram représentent une mine d’or : des milliards de posts, de commentaires, de photos annotées, reflétant des langues, des styles d’expression, des centres d’intérêts… En entraînant ses modèles sur ces données, Meta espère améliorer drastiquement la qualité de son IA maison. Cette logique n’est pas propre à Meta – toutes les grandes entreprises technologiques exploitant l’IA s’appuient sur d’énormes jeux de données pour entraîner leurs algorithmes.
Cependant, ces pratiques soulèvent des risques pour la vie privée. D’une part, des informations personnelles pourraient être mémorisées par les modèles d’IA et potentiellement restituées de manière indue. Par exemple, un chatbot pourrait, suite à l’entraînement, recracher des fragments de conversations privées ou des photos d’individus si les données sources n’ont pas été correctement filtrées. Ce risque de fuite involontaire de données sensibles par l’IA inquiète les régulateurs. Meta a affirmé avoir mis en place des mesures de filtrage pour réduire le risque que des données personnelles trop identifiantes soient conservées par ses modèle. Malgré tout, le risque zéro n’existe pas, et l’on touche là à un défi technique majeur : comment entraîner des IA puissantes tout en préservant l’anonymat et en évitant la ré-identification des personnes dans le dataset d’entraînement ?
D’autre part, l’utilisation massive de données utilisateur par les IA pose la question de la proportionnalité et de la sécurité. Le RGPD exige que seules les données réellement nécessaires à l’objectif soient traitées (principe de minimisation) et que des mesures de sécurité appropriées soient en place. En intégrant des données d’utilisateurs à grande échelle, l’entreprise doit s’assurer qu’elles sont protégées tout au long du processus d’entraînement (chiffrement, accès restreint, etc.), et qu’aucune violation de données ne survienne. Les autorités, dont la CNIL, scrutent de près ces aspects, car un détournement de finalité ou une faille de sécurité pourraient causer un préjudice grave aux millions de personnes concernées.
Facebook et Instagram : comment s’opposer à l’utilisation de vos données pour l’IA
La maison mère de Facebook et Instagram, Meta, a annoncé qu’à partir de fin mai 2025 elle utiliserait les données de tous les utilisateurs européens adultes de ses plateformes pour entraîner ses systèmes d’intelligence artificielle. Les utilisateurs seront informés de cette évolution par une notification dans l’application et/ou par e-mail. Par ailleurs, une nouvelle politique de confidentialité doit entrer en vigueur d’ici la fin mai 2025.
Si vous ne souhaitez pas que vos données personnelles (par exemple vos publications publiques sur Facebook ou Instagram) soient utilisées à ces fins, vous pouvez dès à présent ajuster vos paramètres de confidentialité afin de rendre vos contenus non accessibles au public. Vous pouvez également vous opposer immédiatement à cet usage, sans aucune justification.
Pour ce faire, il suffit de remplir les formulaires d’opposition officiels mis à disposition par Meta :
Formulaire d’opposition pour Facebook et Formulaire d’opposition pour Instagram.
Enfin, l’affaire Meta rappelle que les règles existantes s’appliquent déjà aux IA. En l’absence (pour l’instant) d’un cadre réglementaire spécifique à l’IA – le futur Règlement européen sur l’IA est en cours de finalisation –, ce sont les lois comme le RGPD qui servent de garde-fous. L’exemple de ChatGPT en Italie est édifiant : en mars 2023, l’Italie a temporairement bloqué le chatbot d’OpenAI en pointant « l’absence de base légale justifiant la collecte massive de données personnelles pour entraîner le modèle ». D’autres pays européens se sont alors concertés pour imposer des correctifs à OpenAI (vérification de l’âge, droit d’opposition, informations aux utilisateurs). Cette réaction coordonnée a montré que, même face à des technologies inédites, les régulateurs peuvent utiliser le RGPD pour encadrer les usages de l’IA. En France, la CNIL a lancé dès 2023 un plan d’action sur l’IA, incluant des investigations sur les services de génération de texte ou d’images. L’entraînement des IA sur des données publiques ou privées n’échappe donc pas au droit commun : les principes de consentement, de transparence, de protection des données s’appliquent pleinement aux nouvelles technologies.
Un contexte de surveillance accrue des GAFAM par les autorités européennes
Le cas de Meta s’inscrit dans un contexte plus large d’évolution des pratiques des GAFAM (Google, Apple, Facebook/Meta, Amazon, Microsoft) et de vigilance croissante des autorités européennes. Ces géants du numérique, moteurs de l’innovation en IA, disposent de quantités phénoménales de données sur les individus. Naturellement, ils cherchent à en tirer parti pour développer des services plus performants – qu’il s’agisse d’assistants vocaux, de moteurs de recommandation ou de modèles d’IA générative. Mais dans le même temps, l’Europe affirme de plus en plus sa souveraineté numérique en matière de protection des données et de concurrence loyale.
Ces dernières années, les GAFAM ont fait l’objet de multiples enquêtes et sanctions liées à la vie privée : usage non consenti de données pour la publicité ciblée, non-respect des préférences cookies, transferts illégaux de données hors UE, etc. Par exemple, Meta a déjà été condamné à de lourdes amendes pour ses pratiques publicitaires ne respectant pas le consentement RGPD. Google et Amazon ont essuyé des sanctions record en France pour le dépôt illégal de cookies. La conformité RGPD est devenue un enjeu majeur pour ces entreprises tentaculaires. Désormais, l’IA représente le nouveau front sur lequel les autorités portent leur attention. Chaque initiative visant à exploiter davantage de données personnelles est scrutée.
Dans le cas présent, si Meta a dû temporiser en 2024, cela ne signifie pas la fin du débat. En 2025, Meta a tenté de relancer son projet d’entraînement d’IA sur les données utilisateurs en adaptant son approche (meilleure information des usagers, mécanisme d’opt-out amélioré) et en arguant toujours de l’intérêt légitime. L’autorité irlandaise (DPC) a donné un feu vert prudent à cette reprise, tout en réservant son évaluation définitive à plus tard. Mais d’autres régulateurs européens restent plus critiques. Par exemple, le régulateur de Hambourg en Allemagne a cherché à bloquer le déploiement du projet sur son territoire, estimant que les droits des utilisateurs n’étaient pas suffisamment garantis Une bataille juridique s’est même engagée en Allemagne, où une association de consommateurs a tenté d’obtenir en justice la suspension du projet – sans succès en première instance, le tribunal ayant jugé que les mesures prises par Meta offraient, selon lui, des garanties suffisantes pour quelques mois. Cet épisode illustre les tensions entre innovation et protection des droits, et la diversité des approches en Europe : certaines autorités peuvent estimer qu’avec assez de garde-fous (filtrage des données, droit d’opposition effectif), le projet peut être toléré, tandis que d’autres le jugent toujours excessif et prématuré. Quoi qu’il en soit, Meta – tout comme ses homologues GAFAM – reste sous surveillance serrée. Le Comité Européen de la Protection des Données a d’ailleurs mis en place un groupe de travail dédié aux questions d’IA, preuve d’une coordination renforcée à l’échelle de l’UE.
Parallèlement, l’Union européenne peaufine de nouveaux instruments régulant le numérique. Le Digital Markets Act (DMA) impose déjà aux géants du Web, qualifiés de gatekeepers, des obligations de fair-play (ouverture des écosystèmes, restrictions sur l’exploitation croisée des données entre services, etc.) qui pourraient limiter certaines exploitations abusives de données. S’ajoute le futur AI Act européen, qui classera les systèmes d’IA par niveaux de risque et exigera des évaluations de conformité, de la transparence sur les données d’entraînement, et des garde-fous pour les usages jugés à haut risque. Même si le AI Act vise principalement les applications d’IA (reconnaissance faciale, décisions automatisées, etc.), son esprit rejoint celui du RGPD : encadrer fermement les acteurs dominants pour éviter les dérives. On voit donc se dessiner une ligne rouge : exploiter sans discernement les données personnelles pour nourrir l’IA pourrait non seulement conduire à des sanctions RGPD, mais aussi à des restrictions sous d’autres régimes juridiques à venir.
En somme, les géants de la tech sont prévenus. Chaque avancée technologique doit désormais composer avec un exigent cadre de conformité. L’Europe entend trouver un équilibre entre promotion de l’innovation et préservation des droits fondamentaux des citoyens. L’affaire Meta vs CNIL est emblématique de cette dynamique : elle montre qu’aucune entreprise, aussi puissante soit-elle, n’est au-dessus des lois en matière de données personnelles, et que les autorités n’hésiteront pas à monter au front pour faire respecter les principes de cybersécurité et de vie privée.
Gouvernance des données : un impératif pour toutes les entreprises, y compris les PME
Cette affaire retentissante adresse un message de mise en garde non seulement aux géants du web, mais aussi à l’ensemble des entreprises qui manipulent des données et explorent l’IA. Les PME et ETI, en particulier, pourraient se croire à l’abri ou peu concernées – il n’en est rien. Certes, une petite entreprise n’a pas la masse de données de Meta ni une IA maison à entraîner. Toutefois, l’intégration de l’IA en PME est en marche (assistants virtuels, automatisation, analytics avancées, etc.) et apporte son lot de responsabilités. Avant de foncer tête baissée dans la promesse de l’intelligence artificielle, il convient d’adopter une véritable gouvernance des données au sein de sa structure. Concrètement, cela signifie :
- Inventorier et classifier ses données : Identifiez quelles données personnelles vous collectez et utilisez dans vos processus ou vos outils d’IA. Sont-ce des données clients, des données internes sensibles, des données publiques ? Cette cartographie est la base d’une utilisation responsable.
- Vérifier la conformité juridique : Pour chaque cas d’usage de données, assurez-vous de disposer d’une base légale solide (consentement explicite des personnes concernées, contrat, intérêt légitime documenté par une analyse d’impact, etc.). Si vous envisagez d’entraîner un algorithme sur des données clients, posez-vous la question du consentement. En cas de doute, demandez conseil à un délégué à la protection des données (DPO) ou à un expert juridique.
- Protéger les données avant de les confier à une IA : Appliquez des mesures de pseudonymisation ou d’anonymisation si possible, chiffrez les données en transit et au repos, et choisissez des prestataires d’IA de confiance. Par exemple, si vous utilisez un service de cloud ou une API d’IA externe, lisez bien les conditions : qui pourra voir vos données ? où seront-elles stockées ? Il est crucial de protéger vos données avant de les confier à une IA tierce, sous peine de les exposer indûment.
- Former et encadrer vos collaborateurs : La gouvernance des données passe aussi par l’humain. Sensibilisez vos équipes aux bonnes pratiques et aux risques. Sans directives claires, un employé bien intentionné pourrait par exemple mettre des données confidentielles de l’entreprise dans un chatbot en ligne pour gagner du temps, et ainsi créer une fuite. Des cas concrets ont déjà eu lieu : chez Samsung, des ingénieurs ont involontairement divulgué du code source et des informations sensibles en les soumettant à ChatGPT, entraînant une interdiction de cet outil en interne. Une étude a même révélé que 3% des employés dans diverses entreprises auraient déjà partagé des infos internes sur ChatGPT sans le réaliser Ces incidents montrent à quel point on peut partager les secrets de l’entreprise sans le savoir. Chaque dirigeant devrait se demander si son entreprise est en train de partager ses secrets sans le savoir. La mise en place de chartes d’utilisation de l’IA, de politiques de confidentialité internes et de formations en cybersécurité aide à prévenir ces dérapages.
Aucune entreprise n’est trop petite pour être concernée par la protection des données à l’ère de l’IA. Au contraire, les PME agiles qui sauront intégrer l’IA de manière éthique et conforme en tireront un avantage concurrentiel, là où celles qui négligent ces aspects risquent des pertes de confiance, des incidents de sécurité ou des ennuis juridiques. La gouvernance des données n’est pas qu’un concept pour grands groupes : c’est un gage de sérieux et de durabilité pour toute organisation. Se doter de bonnes pratiques dès maintenant, c’est se prémunir contre les dérives et pouvoir innover sereinement avec l’IA.
Vers une IA responsable et conforme
L’affaire Meta vs CNIL aura eu le mérite de placer sous les projecteurs la question de l’entraînement des IA à partir de données personnelles. Elle marque une étape dans la conversation entre innovateurs et régulateurs. D’un côté, les avancées en intelligence artificielle offrent des opportunités immenses pour les entreprises de toutes tailles – y compris en termes de compétitivité pour les PME qui intègrent l’IA dans leurs processus. De l’autre, les gardiens de la vie privée rappellent que ces innovations ne doivent pas se faire au détriment des droits fondamentaux des personnes. La voie d’équilibre consiste à développer des IA de manière transparente, avec le consentement et le contrôle des utilisateurs chaque fois que c’est nécessaire, et en incorporant dès la conception des principes de “Privacy by Design” (protection de la vie privée dès la conception).
La mise en demeure de la CNIL adressée à Meta sonne donc comme un avertissement salutaire : aucune transformation digitale ne pourra s’affranchir des règles de conformité RGPD. Les entreprises qui l’anticipent et mettent en place des garde-fous juridiques, techniques et organisationnels s’épargneront bien des écueils. Celles qui ignorent ces signaux, en revanche, s’exposent à des retours de bâton potentiellement coûteux – qu’il s’agisse d’amendes, de dommages à leur réputation, ou de perte de confiance de la clientèle.
En définitive, l’essor de l’IA doit s’accompagner d’une éthique des données robuste. Il appartient à chaque organisation, du géant du web à la petite PME innovante, de trouver cette trajectoire vertueuse. Les régulateurs, de leur côté, continueront d’exercer une veille stricte pour éviter les abus. L’intelligence artificielle responsable n’est plus un slogan, c’est un impératif pour que la révolution numérique se fasse avec les utilisateurs et non à leurs dépens. Le cas de Meta l’illustre : c’est en respectant les droits des personnes et en adoptant une gouvernance éclairée des données que l’IA pourra réellement tenir ses promesses, sans sacrifier la protection des données personnelles qui est désormais indissociable de notre environnement numérique.
Sources : CNIL (actualité du 22 mai 2024 et mise à jour du 27 mai 2025), Reuters, BFM TV, Next Impact, Data Ring, Taylor Wessing, décision CNIL Clearview AI, RFI, etc.